Notre objectif a toujours été de donner l’information la plus pertinente aux parents des enfants souffrant de troubles neurodéveloppementaux (TDAH, autisme, troubles dys., etc.). Même si ces informations récentes sont en contradiction avec ce qui est communément accepté parce que le temps entre la publication de recherche et la diffusion générale auprès du public et même auprès des spécialistes et son acceptation peut être très long. Ce sujet est néanmoins un peu différent.
Récemment, j’ai été surpris par une publication sur une page FB d’une association en lien avec les troubles de TDAH disant que le consensus scientifique était qu’il n’y avait “aucune preuve d’une association entre la consommation du sucre et le TDAH chez les enfants” ! J’ai cru à une mauvaise interprétation de la publication ou de la traduction. Or, non, c’est bien indiqué sur ce papier de consensus publié en 2021. Le point numéro 45 du consensus se base apparemment sur une seule étude de revue systématique et méta-analyse par Farsad-Naeimi et ses collègues parue en 2020 dans le journal Complementary Therapies in Medicine.
Une revue systématique et méta analyse est une revue des études précédemment publiées pour voir s’il en sort un consensus ou une tendance générale sur un sujet particulier. Cela est valable s’il existe assez d’études sur ce sujet (difficile de faire une revue sur 2 publications par exemple) et si ces études sont bien faites tant au niveau de la population choisie, la méthode d’analyse, le type d’études, etc. Une synthèse et critique des connaissances publiées à ce jour, en quelque sorte.
Alors quel est le problème ?
On pourrait donc conclure ici en disant que des spécialistes se sont en effet basé sur une étude compréhensive et ont accepté les conclusions des chercheurs comme pertinente. Normalement on ne base pas un consensus sur une seule étude, mais pourquoi pas ?
Le problème est que l’étude citée (revue systématique et méta-analyse par Farsad-Naeimi) ne dit pas cela du tout ! Plutôt même le contraire !
La conclusion de l’étude dit et je copie ici mot pour mot : “Cette méta-analyse a indiqué une relation positive entre la consommation globale de sucre et de boissons sucrées et les symptômes du TDAH ; cependant, il y avait une hétérogénéité parmi les études incluses. De futures études bien conçues pouvant tenir compte des facteurs de confusion sont nécessaires pour confirmer l’effet du sucre sur le TDAH”. Donc il y a bien un lien, même s’il faut plus d’études à ce sujet. Ce qui est souvent dit dans la grande majorité des études : il faut plus d’études pour avoir une conclusion nette !
Les chercheurs écrivent encore : “La revue systématique actuelle et la méta-analyse des études observationnelles ont mis en évidence l’association entre la consommation de sucre et les symptômes du TDAH chez les enfants de plus de sept ans. Sur la base des résultats, il y avait une association positive significative entre l’apport global en sucre et les boissons sucrées et les symptômes du TDAH, après ajustement pour un potentiel important confondeurs”.
Ils insistent sur le fait que les études parues à ce jour sur ce sujet ne sont pas homogènes et portent des variations dans la population analysées, les régimes alimentaires analysées, les facteurs inclus dans les sujets,… Ce qui fait qu’il est difficile de porter des conclusions nettes sur les études actuelles par une revue systématique. Ils ajoutent qu’il est probable que le sucre seul ne soit pas associé à une augmentation des symptômes de TDAH, mais que néanmoins “une consommation plus élevée de boissons sucrées était associée à une probabilité plus élevée de symptômes de TDAH (de 40 % ) dans la population étudiée par rapport à leurs homologues à faible consommation de boissons sucrés”.
Donc leur conclusion n’est pas qu’il n’y a aucun lien entre la consommation du sucre et les symptômes de TDAH, mais que la consommation du sucre et des boissons sucrés est bien liée aux symptômes de TDAH, mais qu’une consommation élevée de sucre est aussi souvent combinée à une alimentation contenant d’autres éléments tels que les conservateurs, les aliments transformés, etc. qui sont aussi accusés d’avoir un rôle dans ces problèmes.
Pour finir sur cette étude et l’interprétation erronée citée plus haut, il est à noter que des études plus récentes citent bien cette étude de Farsad-Naeimi comme une étude associant la consommation du sucre et boissons sucrés aux symptômes de TDAH ! C’est-à-dire que tous les chercheurs ayant repris les conclusions de cette étude depuis 2020, ont bien compris que cette étude montrait le lien probable entre la consommation du sucre et boissons sucrés et les symptômes de TDAH, même si des études plus précises et mieux construites devraient être entreprises pour trancher !
Que disent les autres études sur le sujet du sucre, boissons sucrés et le TDAH ?
Alors justement que disent les autres études depuis ?
Comme le disent Farsad-Naeimi et ses collègues, parfois il est difficile de dissocier entre sucre seul et autres mauvaises habitudes alimentaires. Mais dans la plupart des études, les chercheurs insistent sur le rôle du sucre et différents problèmes ou maladies et aussi les symptômes chez les enfants avec TDAH, autisme,…
Une des études par des chercheurs australiens, parue en 2021 dans le journal Frontiers in Neuroscience, a voulu savoir si la surconsommation du sucre chez des adolescents pouvait produire de l’hyperactivité et déficits neurocognitifs de façon persistante chez les adultes. Ils citent différentes études qui “suggèrent que l’obésité induite par le sucre peut participer au développement de la pathogenèse des symptômes de type TDAH dans les pays occidentaux”.
Les chercheurs écrivent : “Chez les enfants, une consommation élevée de sucre est corrélée à l’hyperactivité et chez les adultes, à l’inattention et à l’impulsivité. Chez les rongeurs, une consommation élevée de saccharose (ou sucre de table) altère également les fonctions neurocognitives telles que l’apprentissage spatial, la reconnaissance d’objets, l’inhibition comportementale et la mémoire de la peur. Fait intéressant, un apport élevé en saccharose pendant la grossesse provoque des phénotypes comportementaux de type TDAH chez la progéniture de souris, avec une activité locomotrice accrue, une attention/apprentissage réduit et une impulsivité”.
“L’anxiété, la dépression et les déficits cognitifs sont fortement associés à une altération de la neurogenèse de l’hippocampe dans les modèles animaux, bien que les preuves d’une relation causale manquent souvent. En effet, l’anxiété et les déficits de mémoire spatiale suscités par la consommation à long terme de saccharose s’accompagnent d’altérations de la neurogenèse et de la physiologie hippocampiques” (La neurogénèse est la formation de nouveaux neurones et l’hippocampe pour résumer fait partie du système limbique et joue un rôle dans la mémoire et navigation spatiale).
La conclusion des chercheurs est que : “En utilisant un modèle validé de consommation de sucre chez la souris, nous avons constaté que la consommation de sucre à long terme, à un niveau qui augmente considérablement le gain de poids, provoque une réponse hyperlocomotrice anormale à la nouveauté (qu’on peut assimiler à l’hyperactivité) et altère à la fois la mémoire épisodique et spatiale. Nos résultats sont similaires à ceux rapportés dans les troubles déficitaires de l’attention et hyperactivité. Les déficits de l’apprentissage et de la mémoire dépendants de l’hippocampe s’accompagnaient d’une neurogenèse hippocampique altérée, avec une diminution globale de la prolifération et de la différenciation des neurones nouveau-nés dans le gyrus denté. Cela suggère que la surconsommation à long terme de sucre, comme celle qui se produit dans le régime alimentaire occidental, pourrait contribuer à un risque accru de développer une hyperactivité persistante et des déficits neurocognitifs à l’âge adulte”.
Cet article commence à être long mais le sujet est important. Je vais donc résumer rapidement une autre étude et mettre les références en bas pour ceux qui voudraient en savoir plus.
Une étude (revue systématique et méta analyse) parue dans le journal Scientific Electronic Archives parue en 2021 a analysé les publications sur les habitudes alimentaires des enfants et adultes avec TDAH. Les auteurs de l’étude concluent : « La présente étude suggère qu’une alimentation de haute qualité avec une consommation accrue de fruits, de légumes et de poisson peut être protectrice contre le TDAH chez les enfants. En plus de cela, une alimentation de mauvaise qualité avec une consommation plus élevée de sucre, de boissons sucrées et de malbouffe, ainsi qu’un mode de vie caractérisé par une réduction du sommeil et de l’activité physique peuvent être associés à un risque accru de TDAH, tant pour les enfants que pour les adultes ».
Conclusion sur le sucre et TDAH
Aujourd’hui de nombreuses études font le lien entre la consommation du sucre et troubles de comportement, qui sont aussi observés chez les personnes souffrant de TDAH. Une étude chinoise très récente parue en Octobre 2022 a montré qu’il existe une association entre la consommation de boissons sucrées et l’apparition de symptômes psychologiques chez les étudiants chinois (à l’université). La même tendance a été constatée pour les dimensions des symptômes émotionnels, des symptômes comportementaux et des difficultés d’adaptation sociale.
On peut être prudent et dire qu’il faut toujours plus d’études et pouvoir séparer la consommation du sucre seule avec les autres aliments incriminés. Il serait néanmoins absurde d’ignorer toutes les études déjà parues, les constatations des parents, éducateurs, spécialistes et professionnels qui remarquent les changements de comportement des enfants et même des adultes en augmentant ou en baissant la consommation du sucre et boissons sucrés et surtout de nier toute association quand toutes ces études montrent qu’il y a bien une association. Il serait absurde aussi de négliger tout l’aspect physiologique de la consommation exagérée du sucre et l’effet sur l’inflammation dans le système digestif, le microbiome et l’axe système digestif-cerveau qui pourraient expliquer cette relation !
Alors le sucre mauvais pour le TDAH ?
Oui et non ! Trop de sucre et des repas seulement sucrés sont mauvais pour tout le monde y compris pour les enfants avec TDAH. Encore plus pour ceux-là en raison justement des aspects inflammatoires et problèmes digestifs dont ils souffrent souvent déjà.
Ce que je recommande aux parents n’est pas d’éliminer le sucre tout court, mais de diminuer les sucres rapides et surtout ce qui n’est pas nécessaire. Les boissons sucrés ne sont souvent pas nécessaires. Des gâteaux sucrés pour arrêter la faim ne sont souvent pas nécessaires. On peut faire plaisir de façon très occasionnels, mais en consommer régulièrement n’est pas recommandé.
Je recommande surtout d’accompagner les petits-déjeuner avec des protéines (oeufs, jambon,…) et les goûters avec du bon gras (amandes, noix, noisettes,…). Le fait de consommer des protéines et du bon gras permet tout d’abord à ce que le cerveau qui a besoin du sucre pour fonctionner puise dedans et crée du sucre de façon plus régulière dans la journée et que l’enfant n’ait pas épuisé le sucre rapide dans l’heure qui suit et être en hypoglycémie (légère) qui fait qu’il n’arrive plus à se concentrer une heure après avoir mangé et qu’il va chercher du sucre rapide dans les gâteaux et sucreries !
Donc diminuer les sucreries dans la journée et surtout pas de sucre tout seul sans avoir du gras ou des protéines avant au moment du petit-déjeuner et goûter !
Références :
The World Federation of ADHD International Consensus Statement: 208 Evidence-based conclusions about the disorder. Neurosci Biobehav Rev. 2021 Sep;128:789-818.
Farsad-Naeimi A, Asjodi F, Omidian M, Askari M, Nouri M, Pizarro AB, Daneshzad E. Sugar consumption, sugar sweetened beverages and Attention Deficit Hyperactivity Disorder: A systematic review and meta-analysis. Complement Ther Med. 2020 Sep;53:102512.
Beecher K, Alvarez Cooper I, Wang J, Walters SB, Chehrehasa F, Bartlett SE, Belmer A. Long-Term Overconsumption of Sugar Starting at Adolescence Produces Persistent Hyperactivity and Neurocognitive Deficits in Adulthood. Front Neurosci. 2021 Jun 7;15:670430.
Papanastasiou, George & Drigas, Athanasios & Papanastasiou, Pantelis. (2021). The association of diet quality and lifestyle factors in children and adults with ADHD: A systematic review and meta-analysis. Scientific Electronic Archives. 14. 39-58.
Wang Yujie, Bi Cunjian, Liu He, Lin Hongniu, Cai Ruibao, Zhang Jie, Association of sugar-sweetened beverage consumption with psychological symptoms among Chinese university students during the COVID-19 pandemic. Frontiers in Psychology, Volume 13, 2022
Johnson RJ, Wilson WL, Bland ST, Lanaspa MA. Fructose and Uric Acid as Drivers of a Hyperactive Foraging Response: A Clue to Behavioral Disorders Associated with Impulsivity or Mania? Evol Hum Behav. 2021 May;42(3):194-203.
Autres références sur la malbouffe et TDAH et études plus anciennes :
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Hu D, Cheng L, Jiang W. Sugar-sweetened beverages consumption and the risk of depression: A meta-analysis of observational studies. J Affect Disord. 2019 Feb 15;245:348-355.
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Li L, Taylor MJ, Bälter K, Kuja-Halkola R, Chen Q, Hegvik TA, Tate AE, Chang Z, Arias-Vásquez A, Hartman CA, Larsson H. Attention-deficit/hyperactivity disorder symptoms and dietary habits in adulthood: A large population-based twin study in Sweden. Am J Med Genet B Neuropsychiatr Genet. 2020 Dec;183(8):475-485.
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