Réflexes archaïques : mode ou réalité ?

Parmi les tests qu’on fait faire aux enfants, on fait bien les tests de réflexes archaïques dans notre centre Cerebrostim. Donc c’est qu’il y a bien une raison. Mais c’est aussi devenue un phénomène de mode. Est-ce que ça pose un problème ? En soi, je dirais que non. Mais c’est devenu une profession à part entière que de proposer de la remédiation des réflexes archaïques. Or comme le souligne Zafeiriou dans son article parue dans Pediatric Neurology en 2004, « les réflexes archaïques et les réactions posturales constituent l’un des outils les plus anciens, les plus simples et les plus fréquemment utilisés par les neuropédiatres pour évaluer l’intégrité du système nerveux central des nourrissons et des jeunes enfants ». Et c’est bien tout ce que c’est ! Une série de tests parmi d’autres ! Est-ce qu’on peut se contenter de faire une remédiation des réflexes archaïques si on ne comprend pas les bases de la neuro anatomie et du fonctionnement du système nerveux et si on ne l’accompagne pas d’une prise en charge plus globale ?

Le réflexe archaïque, qu’est-ce que c’est ?

Dans l’étude publiée en 2018 dans le journal Archives of Medical Science, les chercheurs expliquent : « Les réflexes archaïques jouent un rôle dans le développement, préparant le nouveau-né à agir contre la gravité, conduisant progressivement à un mouvement volontaire par le processus d’intégration au cours des premiers mois de la vie. Les réponses matures du progrès psychomoteur d’un enfant ne peuvent se produire que si le système nerveux central lui-même a atteint sa maturité. Le processus consiste en la transition d’une réponse réflexe du tronc cérébral à une réponse contrôlée par le cortex cérébral. Si le processus n’a pas progressé correctement, l’enfant peut présenter une capacité motrice faible, ce qui peut se traduire par des difficultés pour avoir de l’équilibre, pour courir, pour faire du vélo, et l’enfant peut être maladroit. Il peut également y avoir des problèmes pour lancer et attraper des choses, et l’enfant peut vouloir éviter les jeux impliquant des mouvements physiques. Les troubles psychomoteurs, également appelés troubles cérébraux minimes, peuvent modifier et entraver le processus de développement spontané de l’enfant. Les premiers signes peuvent être observés dès la petite enfance, mais bon nombre d’entre eux se manifestent plus tard, c’est-à-dire des difficultés d’apprentissage et de comportement pendant les années préscolaires. La persistance de réflexes et les difficultés scolaires ou comportementales rencontrées par les enfants lorsqu’ils atteignent l’âge scolaire peuvent être liées ».

Le réflexe tonique asymétrique du cou, le réflexe tonique symétrique du cou et le réflexe tonique labyrinthique, ainsi que le réflexe plantaire, le réflexe palmaire, le réflexe d’enracinement et le réflexe de Galant, s’ils persistent, jouent un rôle important dans la diminution de la capacité et l’efficacité du cerveau dans le traitement de l’information sensorielle.

Le réflexe tonique asymétrique du cou émerge 18 semaines in utero et diminue complètement 3 à 9 mois après la naissance. Ce réflexe, s’il persiste, peut avoir pour conséquence un mauvais suivi de l’œil et une difficulté à traverser la ligne médiane visuelle. Ceci pourrait entraîner des difficultés pour apprendre à lire, à indiquer l’heure et la confusion gauche-droite. Concernant la posture, nous pouvons observer des difformités de la colonne vertébrale causées par la persistance de ce réflexe, qui n’est pas seulement un problème de santé de la personne, mais qui représente également un coût élevé pour la société.

La réflexe tonique symétrique du cou apparaît 6 à 9 mois après la naissance et s’intègre au système nerveux central 9 à 11 mois après la naissance. La persistance de ce réflexe après cette période peut être caractérisé par une mauvaise posture, une mauvaise coordination entre les yeux et les mains et des difficultés de concentration. Les enfants avec le réflexe tonique symétrique du cou persistant peuvent avoir des problèmes pour rester assis à un bureau ou apprendre à nager et ne se sentent généralement pas à l’aise avec les jeux de ballon.

Le réflexe tonique labyrinthique est un réflexe qui apparaît à la naissance et disparaît complètement 2 à 4 mois après la naissance. Sa persistance après cette période résulte en un mauvais équilibre, une désorientation et des problèmes pour rétablir l’équilibre émotionnel et physique. Ce réflexe peut entraîner une vision binoculaire conduisant à un mauvais sens du timing et à de fréquentes erreurs de négligence.

Dans leur étude d’Archives of Medical Science, les chercheurs concluent que sans la remédiation à l’intégration des réflexes primitifs, il peut être impossible de corriger les fonctions motrices et d’aider les enfants dits « maladroits » à atteindre le niveau de niveau psychomoteur de leurs pairs. Afin d’éviter les retards psychomoteurs chez les enfants plus âgés, il est nécessaire de procéder à un examen du degré d’intégration des réflexes chez les enfants d’âge préscolaire et, le cas échéant, d’appliquer un traitement de remédiation des réflexes.

Il est évident que ces observations ne concernent pas seulement des enfants avec troubles moteurs mais aussi les enfants avec les troubles cognitifs tels que le TDAH et les troubles de spectre autistiques. D’ailleurs l’un est intimement lié à l’autre. Nous en parlerons plus en détail dans un prochain article, mais les circuits incriminés dans ces troubles concernent aussi bien le contrôle moteur que le contrôle cognitif.

Les exercices pour les réflexes archaïques

Différentes études ont montré l’intérêt des exercices spécifiques pour la réhabilitation et donc la disparition des réflexes archaïques chez les enfants souffrant d’IMC (infirmité motrice cérébrale) et troubles de développement. Néanmoins, comme indiqué plus haut, la persistance de ces réflexes est la conséquence de dysfonctionnement et de perturbations dans le développement de certains circuits englobant le contrôle cortical mais aussi des circuits incluant le cervelet, les régions sous-corticales, les ganglions de la base… Ces centres interviennent à différents moments sur l’initiation, le contrôle et l’inhibition des mouvements et de la cognition.

J’estime que la thérapie ciblant les réflexes archaïques devrait prendre en compte ces systèmes dans leur globalité et ne pas se contenter de répéter des exercices appris après une courte formation. C’est malheureusement le cas aujourd’hui pour certains thérapeutes qui suite à une rapide formation proposent des thérapies pour les réflexes sans connaissances spécifiques d’anatomie et de physiologie. D’ailleurs j’estime qu’une fois que l’analyse de la présence de ces réflexes est effectuée, les exercices pour les réflexes peuvent être pratiqués à la maison avec les parents. C’est d’ailleurs ce qui est observé par Grigg et Culpan dans leur étude parue en 2018 dans le « Journal of Child Health Care ». Ils ont trouvé que les parents ayant pratiqué des exercices de remédiation à la maison avec leurs enfants ont non seulement trouvé des améliorations au niveau moteur, comportemental et cognitif mais aussi que les exercices étaient faciles à faire à la maison et « pas chers » ! Mais je comprends aussi que pour certains parents, le manque de temps ou la relation compliquée entre parents et enfant peuvent rendre la pratique de ces exercices difficile à la maison.

 

Références :

  • Zafeiriou DI. Primitive reflexes and postural reactions in the neurodevelopmental examination. Pediatr Neurol. 2004 Jul;31(1):1-8.
  • Ewa Z. Gieysztor, Anna M. Choińska, Małgorzata Paprocka-Borowicz. Persistence of primitive reflexes and associated motor problems in healthy preschool children. Arch Med Sci. 2018 Jan; 14(1): 167–173.
  • Chinello A, Di Gangi V, Valenza E. Persistent primary reflexes affect motor acts: Potential implications for autism spectrum disorder. Res Dev Disabil. 2018 Dec;83:287-295.
  • Konicarova J, Bob P. Asymmetric tonic neck reflex and symptoms of attention deficit and hyperactivity disorder in children. Int J Neurosci. 2013 Nov;123(11):766-9.
  • Nasser H. Kashou, Irfaan A. Dar, Kathryn A. Hasenstab, Ramzi W. Nahhas, Sudarshan R. Jadcherla, Somatic stimulation causes frontoparietal cortical changes in neonates: a functional near-infrared spectroscopy study. Neurophotonics. 2017 Jan; 4(1): 011004.
  • Grigg TM, Fox-Turnbull W, Culpan I. Retained primitive reflexes: Perceptions of parents who have used Rhythmic Movement Training with their children. J Child Health Care. 2018 Sep;22(3):406-418.
  • Sadowska L. Vaclav Vojta’s neurokinesiological concept for the diagnosis and therapy of children with disturbances of motor development. Ortop Traumatol Rehabil. 2001;3(4):519-26.